Entrer petit à petit dans sa séance, accorder son souffle comme on accorde son instrument (expression chère à Eva). Doucement, posture après posture, respiration après respiration, je construis et j’étoffe ma bulle. Je touche à cet état naturel de méditation. Le hatha-yoga est comme une palette de peintre dans laquelle je vais piocher mes couleurs pour créer ma toile ; un moyen détournée peut-être pour tendre, entrer parfois puis souvent dans cet état de suspension consciente.
La séance ruchpaulienne est cousue de telle façon qu’en toute autonomie, chaque yogi-ni tisse sa bulle, sa maison intérieure. Dans la séance et puis de séance en séance, il reprend son ouvrage. Au fur et à mesure de la pratique, cela devient plus facile, moins laborieux. La bulle est là, il suffit d’y entrer. Les suspensions de souffle dans les postures, l’arrêt du geste (un arc immobile poumons pleins, une pince légère poumons vides), les silences de la Grande Respiration ont un secret : ils nous murmurent la conscience du geste, prévoir l’immobile, s’adresser à son instrument dans la conscience de l’instant, savoir s’arrêter là où c’est bon. Bhoga.
Dans une séance, Eva nous propose d’abord de faire de la places à nos poumons, à notre soufflet pour mieux jouir de la suite. Arc, Sauterelle, Cobra. C’est le temps de l’air. S’alléger ensuite avec une Posture sur la Tête. C’est le temps de la légèreté. Avec les pinces, on entre dans cette bulle, on s’y laisse glisser. Toutes exigeantes qu’elles soient, les pinces nous invitent dans notre maison, d’une main ferme et douce. J’y suis, j’y bulle dans un poisson, j’y bulle dans un Yoga Mudra. Je suis en sécurité. Les pensées peuvent toujours venir, elles rebondissent sur les parois fines et transparentes.
Je suis là. Je vis le souffle qui me traverse et m’anime. J’observe avec égard le monde. Je suis dans le monde. Je suis le monde dans tous ses aspects. Je suis reliée. Je suis en YOGA.